14 Feb

Tunis, 1930-1942, le Passage Romano

Publié par gilda nataf

En quelque sorte la "maison de famille", mais ce n'était qu'un appartement de fonction attribué à ma mère. Sur le même palier, au premier (et dernier) étage, se trouvait l'appartement des Moatti et le bureau de zio Léon (Moatti). Nous étions, les trois familles dans les deux seuls appartements de cette maison à un étage, très haut de plafond, comme on ne les imagine plus. Les Moatti avaient une grande terrasse avec buanderie. Mais nous, les Nataf, avions des fenêtres sur rue, spectacle en continu. Portes ouvertes sauf la nuit.

Entre les deux apparts un petit couloir en plein air, que nous appelions "le palier" et où il faisait bon s'exposer au soleil. Du palier on avait vue sur "la petite cour" de l'école, réservée aux plus petits et aux filles. L'école avait encore deux cours et des préaux. C'est dans la grande cour que les juifs (rien que les hommes) ont été rassemblés en novembre 42, dès l'arrivée des allemands, à la suite du débarquement des alliés au Maroc et en Algérie. La Tunisie est restée occupée pendant six mois, jusqu'au 7 mai 1943 et a donc subi les bombardements américains.

Quelques souvenirs en très peu de lignes, ce qui me revient de ces années, c'est le travail à la maison, où nous partagions, ma mère et moi, un petit secrétaire, (le grand côté pour moi), elle corrigeait ses copies, commentait les cartes : des cartes de géographie des élèves de 3e et 4e, était-ce elle qui leur en avait donné le goût, ou quelques-uns d'entre eux qui en faisaient de si belles, toutes bien personnelles dans l'utilisation des couleurs, la présentation, toujours est-il qu'il s'était installé une véritable émulation. C'était un vrai plaisir de regarder ces cartes et aussi de l'entendre parler de ses élèves. Elle avait lancé aussi l'idée de jouer des classiques et la troupe de l'Essor a vu le jour à l'Alliance. Le travail de préparation elle le faisait le matin, plus tranquille et plus de place aussi … elle se levait à cinq heures, tous les jours, le coucher était à dix heures.

En face de nos fenêtres, la rue d'Athènes et, bien sûr, la Place : Place de l'école israélite (je ne suis plus sûre du nom, elle s'est appelée ensuite "place du 7 mai 1943" ou "place du 7 mai" tout court. Toujours en vue de la fenêtre de la salle à manger, sur la gauche, la rue des Salines, que de monde, un flot presque continu en direction de l'avenue de Londres (non visible), l'avenue Roustan, dont on apercevait le carrefour avec la rue d'Athènes. Comment s'appelait la petite rue qui partait à gauche de la rue des Salines ??? On n'y passait pas très souvent parce que n'était pas en direction de "la ville européenne".
Quelle musique ? le piano bien sûr, on allait souvent au concert. Et les variétés comme on disait alors, Rina Ketty, j'attendrai, Tino Rossi puis les débite de Trenet et le jazzz arrivé avec les américains en 43. Tout le monde, pendant la gerre, chantait Lil Marlen ...