Ma mère, instit au cours complémentaire, années 40

les années Eurolat

   Elle faisait les classes de français, rédaction, littérature, orthographe et grammaire, plus l’histoire-géo, l'anglais, le solfège. La partie sciences et math, c'était son collègue, Temam. Je parle de l'école de l'Alliance, à Tunis, années 40, la fin de sa carrière, elle a travaillé de 1910 à 1947 toujours à Tunis et très tôt dans "les grandes classes" du cours complémentaire. Des classes allant jusqu'à 48 élèves, et elle avait lancé un groupe qui aimait le théâtre et d'où est issue une troupe d'amateurs, l'Essor ...

   Mais ce dont je me souviens surtout, c'était les corrections, le soir, elle corrigeait, moi je faisais mon travail de lycéenne. Nous partagions un secrétaire, un meuble de haute taille, qui portait en haut deux immenses bouteilles à moitié pleines de quelque chose de brun qui avait dû être du vin, vestiges de fête.

   Elle s'enthousiasmait pour les cartes, de plus en plus belles et personnelles, de ses élèves, une véritable émulation pour leur fabrication, une par semaine, en 4e l'Europe moins la France, en 3e la France, région par région, géographie physique, géographie politique  Parmi les plus belles cartes, celles de René Aïdan, les noms étaient tracés dans une belle encre noire, et toutes les couleurs autour, villes de plus ou moins d’importance, fleuves et rivières, voies ferrées. Une variété, ces cartes, je ne me souviens plus des noms d'autres élèves mais c'était un petit festival chaque semaine ! Gilbert Chikly, et les filles aussi, parce que les classes de troisième-quatrième étaient mixtes, à défaut d’école de filles pour ce niveau. Des couples se sont formés en classe et ont tenu, une vie, Chilkly justement et la belle Marcelle Chemtob ... 

   Il y avait les dictées, et j'avais le droit de corriger ! j'adorais ça. Les devoirs de français, toute la gamme des plus beaux aux plus nuls et les têtes de classe se retrouvaient.

   Le succès de l'école au BE était énorme, plus de 90 p cent ! dont quelques-uns seulement "continuaient", c'était le mot, au lycée puis plus haut, futures professions libérales, des médecins surtout. Et qu'elle était émue, ma mère, toute petite, quand des années plus tard un homme, si grand à côté d'elle, l'abordait dans la rue et évoquait avec chaleur ces années de l'Alliance !

Bien des années plus tard, nous habitions Brunoy, elle était à Evry, dans une maison de retraite où elle avait fondé une bibliothèque et continuait la belle activité de sa vie, faire lire et y prendre goût ! Elle avait obtenu qu'une pièce de l'Eurolat soit mise à la disposition de la bibliothèque et elle allait chercher et rapporter les livres à la bobliothèque centrale d'Evry où elle était connue et appréciée.

Oui, les années Eurolat ont été aussi un moment de retrouvailles avec d'anciens élèves établis en région parisienne. Ce sont les Chikly  - Marcelle Chemtob-Gilbert Chikly,  ils s'étaient connus à l'école, dans sa classe - qui a organisé une rencontre des anciens profs et de leurs élèves.Je dois avoir une photo ... je n'en retrouve qu'une partie, où elle est avecTemam (Montmorency, 1981)